Un concentré d’énergie contagieuse issue des danses urbaines des ghettos brésiliens.
Des danseurs et danseuses — ils sont dix — traversent le plateau en tricotant des pieds, le bassin électrique, les cheveux comme des oriflammes, au rythme inlassable d’un morceau de favela funk. Un à un, deux à deux puis plus nombreux, en leggings satinés ou en shorts à paillettes, ils se défient et s’accordent la seconde suivante, tentent des portés gentiment loufoques, s’amusent et amusent la galerie. La musique s’arrête brusquement, laissant place avec fluidité à des duos ou solos plus lents, parfois plus sombres, dans le silence complet. Dans les deux cas, le vocabulaire emprunte largement à la dancinha et au passinho (« petite danse » et « petit pas »), danses urbaines toujours renouvelées, qui mélangent allègrement hip-hop, samba ou capoeira. Puis la musique revient, conduisant à un emmêlement de corps et d’activités lubriques qu’on dirait sorti d’un tableau de Jérôme Bosch. Il y aura aussi des coups de feux et des corps qui tombent. Ainsi va CRIA (« engeance » autant que « créer » et « origine »), mise en scène proliférante, charnelle, drôle et douloureuse d’une communauté qui s’invente elle-même.
Étudiante en psychanalyse, Alice Ripoll s’est réorientée vers la danse, qu’elle a étudiée à l’école Angel Vianna de Rio de Janeiro. Depuis 2014, elle dirige deux groupes d’interprètes issus des favelas de Rio : avec REC, elle aborde des thèmes politiques (aCORdo, Lavagem) ; avec SUAVE (Suave, CRIA), elle explore les processus de création. Ses spectacles tournent dans les théâtres et les festivals du monde entier.